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18 janvier 2011

"Même la pluie" ("También la lluvia") ou l'art réussi de la mise en abyme

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Au cours d'un week-end passé à Limoges tout aussi épatant que le précédent mais très différent, j'ai vu avec mon amie K. un film sorti discrètement mais qui vaut vraiment le détour. Je retrouve mon enthousiasme pour le cinéma après deux comédies sympathiques, "La chance de ma vie", agréable et vite oublié et "Les émotifs anonymes", touchant et amusant, dont je me souviendrai en revanche ; exercice de style pour de très bons interprètes et histoire croquignolette au look rétro.

"Même la pluie" est un film espagnol, réalisé par une ancienne (mais jeune) collaboratrice et actrice de Ken Loach, Iciar Bollain. C'est un film sur le tournage d'un film historique retraçant la prise de contact entre les espagnols et les "indiens" en 1492 et les premiers (rares) cas de conscience nés dans l'esprit de certains religieux espagnols, dont le plus connu fut Bartolomé de Las Casas, face au sort fait aux autochtones. Le tournage de ce film réalisé en Bolivie pour des raisons de coût de la main d'oeuvre se trouve confronté à la "guerre de l'eau potable", fait réel ayant agité la Bolivie en 1999-2000 : il s'agissait de la révolte de populations d'origine quechua contre la privatisation de l'eau potable.

A partir de là commence une mise en abyme très intelligente et jubilatoire : 3 niveaux de lectures entrelacés de façon très limpide et encore plus de significations et de symboles. Les questionnements proposés par "Même la pluie" sont nombreux. Le parallèle le plus évident et le plus réussi est celui qui compare la situation des indiens du XVe siècle et ceux du XXIe siècle. Il n'est pas lourd et au contraire plein de sens car il adopte des formes très subtiles : il est pour une large part simplement visuel, ou alors il passe par les discussions entre acteurs investis par leurs rôles, ou enfin par les scènes du film "tourné" qui citent textuellement les paroles des Pères défendant les indigènes ou les textes de C. Colomb. Au-delà de cette réflexion, le sens du film concerne plus largement l'impuissance des artistes occidentaux confrontés directement à une réalité douloureuse et dangereuse dans un pays "en voie de développement" et jusqu'où peut aller leur engagement. On peut y voir une métaphore de notre situation d'occidentaux qui contemplons en spectateurs passifs via les médias ou en touristes sur le terrain les troubles sociaux, la misère de populations moins chanceuses que nous.  Est mis en question le libre-arbitre de chacun de s'impliquer ou de céder à la peur dans une situation de crise bien réelle (on retrouve "Des hommes et des dieux"). Une réflexion autour du statut de l'oeuvre cinématographique (et au-delà de l'art) : est-elle au-dessus de tout, est-elle plus forte que la vie ou doit-elle s'effacer, se mettre au service d'une réalité cruelle ? Cette question fait immanquablement penser à Truffaut et le film tout entier n'est pas sans évoquer, sur la forme comme sur le fond, "La nuit américaine" (dans un genre plus léger), un des meilleurs films sur un tournage de film qui existe. Autre référence, le tournage du film historique rappelle le remarquable "Aguirre ou la colère de Dieu" de Werner Herzog. "Même la pluie" nous montre aussi le processus de création du film dans ses aspects concrets – affres de l'équipe de tournage, fabrication du film – comme dans ses aspects théoriques à l'intérieur de la tête du réalisateur-auteur. Les personnages ne sont pas manichéens, I. Bollain ne donne pas de leçon de morale. Le tout est servi par des acteurs, professionnels ou non, excellents, une réalisation classique pour les parties "historiques" et plus vive et moderne pour les parties contemporaines et "réelles". On n'échappe pas complètement aux scènes un peu larmoyantes qui demeurent néanmoins sincères et touchantes. En outre, cette oeuvre est instructive sur une période que je trouve passionnante : la conquête de l'Amérique du Sud par les européens au tout début de la prise de contact entre espagnols et habitants de Saint-Domingue. On repense bien sûr aussi à la "Controverse de Valladolid".

Bref un moment de cinéma comme je les aime : de la réflexion, de la beauté, de l'émotion.

 

 

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Commentaires
M
On a parfois des surprises avec les inconnus qui débarquent sur son blog... je ne sais en quelle langue est rédigé le message précédent, mais je gage que son auteur a aimé le film ;-)
L
G taarpiin keafeii ceux fiilm! G pleuréé troiis foiis euresemeen ke yaavaiis my B3eestaààah' pr me consooléii ! Biiig biisous
M
@ My discoveries : sois la bienvenue chez moi ! et merci pour le compliment :-)) Je vais de ce pas te rendre visite aussi.<br /> Oui, on n'a pas beaucoup entendu parler de ce film qui mérite vraiment de bénéficier du bouche à oreille et j'ai très envie de le faire découvrir, j'espère que tu pourras le voir et ne seras pas déçue ;-)<br /> A bientôt !
M
Bonjour Marnie!<br /> Je découvre ton blog, qui est très sympa! ;o)<br /> Merci d'attirer l'attention sur ce film car c'est tout à fait le genre de film qui me plairait...et puis j'aime bien Gaël Garcia Bernal ;o)<br /> Il n'est pas encore sorti à Bristol mais je vais surveiller!
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