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19 mai 2011

Minuit à Paris (spoilers)

Jean_Aymar_de_Thou_dit_tout_Minuit_a_Paris

Ça commence comme "Manhattan" et ça continue comme "Alice" ou "La Rose pourpre du Caire" (en moins bien). Woody Allen renoue ici avec le fantastique et c'est une heureuse surprise. J'ai trouvé ce film joli, poétique et onirique. Sans atteindre ses prestigieux précédents, l'oeuvre est réussie, la photographie léchée, l'interprétation à la hauteur (même si McAdams, Cotillard et Seydoux ne m'ont pas emballée, même si Wilson joue plutôt bien mais ne me séduit pas), le scénario et les dialogues toujours bien écrits, mais parfois un peu laborieux. Comme dans le "Bel et sombre inconnu", on retrouve des situations ou dialogues déjà vues ou entendus chez Allen, la figure centrale de l'écrivain en mal d'inspiration ou en pleine crise de confiance commence à être rebattue, et en même temps, on la retrouve avec plaisir, comme un fil rouge dans l'oeuvre d'Allen. L'intérêt du film se situe dans son utilisation des séquences situées dans le passé, dans la thématique orientée vers cette nostalgie d'un "âge d'or", dans la présence de Paris et la façon dont le réalisateur ressent la ville.

Du point de vue de la mise en situation d'une ville, le film semble composer un diptyque – certes déséquilibré, le premier volet étant un chef-d'oeuvre, le second non – avec "Manhattan". La séquence d'ouverture de ces deux films en donne une preuve immédiate (vous trouverez ci-dessous celle de "Manhattan"). Il s'agit, on le sait et c'est évident, des deux villes préférées de Woody Allen. Manhattan, ville réelle où l'artiste est né, vit et qu'il connaît le mieux ; Paris, ville idéalisée qu'il contemple avec amour et qu'il pense être le berceau parfait de la création artistique. Dans la séquence d'ouverture de "Manhattan", la cité est magnifiée par des images sublimes et la musique de Gershwin, mais les images qui défilent montrent aussi des côtés beaucoup plus concrets et quotidiens de la cité ; la voix off s'exprime librement sur ces vues : l'auteur est chez lui, la ville lui appartient, il en est partie prenante. Au début de "Minuit à Paris", les images, tout aussi superbes, se succèdent, simplement enveloppées par la musique plus intimiste et nostalgique de Sidney Bechet – le morceau au titre rassurant et familier "Si tu vois ma mère" ; là pas de voix off, seulement l'émerveillement béat qui se lira plusieurs fois dans le film sur le visage du héros transporté dans l'époque qu'il vénère : c'est la vision d'une ville plus admirée que vécue.

Comme New York, Paris est un personnage à part entière du film, alors que Barcelone ou, encore plus, Londres, n'étaient qu'une toile de fond.

Le fantastique est ici au service d'une thématique qui a tout de suite trouvé un écho en moi puisque j'en suis atteinte : la nostalgie du passé. J'ai particulièrement apprécié cette surprise scénaristique, les scènes qui permettaient le passage vers les années 20. Comme j'aimerais croiser les véhicules qui m'emmèneraient pour quelques heures dans le Paris de Saint Louis, de Charles V, de Molière, de Louis XV, de Maupassant ou dans ce même Montparnasse des années 20 ? Paris, depuis au moins le Moyen Age, est un extraordinaire creuset de talents artistiques. Le défilé des artistes des années 20 ou 1890 m'évoque un peu, avec le recul, le Guitry de "Si Versailles m'était conté" qui réunissait de la même manière les grands noms des XVIIe et XVIIIe siècles. Bref, j'ai aimé l'atmosphère de fête, le romantisme des ballades à 2. Cependant, j'aurais aimé que le réalisateur exploite davantage ces séquences, approfondisse les discussions entre les différents protagonistes, joue davantage du comique potentiel de la situation.  

De façon surprenante, Allen fait preuve à la fin d'un optimisme inhabituel (surtout au regard de son dernier film dont la conclusion était des plus pessimistes). Est-ce que Paris lui a donné un regain de fraîcheur et d'espoir ?

Côté interprétation, j'ai trouvé la prestation de Owen Wilson – sur lequel j'avais un mauvais a priori – plutôt bonne : il a su se glisser avec mesure et candeur dans le rôle allénien de l'écrivain inquiet et hypocondriaque. Mais je ne le trouve vraiment pas beau...  Je ne connaissais pas R. MacAdams et elle ne crève pas l'écran, même si elle joue bien l'américaine matérialiste insupportable. Marion Cotillard est une apparition éthérée, sans plus. Mention spéciale à Adrien Brody qui fait un numéro assez génial, révèlant une facette de son talent qui m'était inconnue. L'acteur, dont je n'ai pas encore cherché le nom, qui joue Hemingway, est convaincant et juste. On reste sur sa faim quant à l'emploi fait de Gad Elmaleh.

Je manque peut-être d'objectivité puisque Allen a montré Paris tel que je le vois : même s'il pleut, que vous vous battez avec votre parapluie, votre sacoche, sac à main, paquets, que vous devez emprunter des bus bondés et embués, entre deux, il y a la vision si belle de cette ville sous la pluie et ça permet de relativiser, d'extraire de la situation une part de plaisir. De même, quand je me promène dans Paris, j'ai tendance à voir le Paris d'avant, quelle que soit l'époque, en fonction du quartier où je me trouve, de la luminosité, de l'heure. J'essaie d'oublier les poubelles, les affiches, les voitures, pour me projeter ailleurs dans le temps, dans le Paris de Balzac, d'Abélard ou de Molière.

Pour résumer, un bon Woody Allen, une vision très belle de Paris qui ne peut que plaire aux amoureux de la ville dont je fais partie (pas de clichés artificiels ou vieillots, on reconnaît notre ville et ses clichés vrais), une histoire à la fois pas très originale et très originale, quelques bonnes mais trop rares répliques ou situations qui font sourire et plus rarement rire, quelques longueurs et faiblesses dans les dialogues. Toujours l'intelligence d'un auteur qui, je l'espère, vivra centenaire, comme ses parents, pour nous offrir encore beaucoup d'oeuvres ! 

 

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Commentaires
M
@ My discoveries : il ne devrait peut-être pas sortir dans si longtemps que ça ? Merci pour le compliment :-)
M
Encore un film que j'ai envie de voir mais qui n'est pas encore sorti chez moi! Et malheureusement la patience n'est pas ma plus grande qualité! En tout cas merci pour cette critique complète et intéressante ;o)
M
@ Annabelle : merci !!! Merci d'avoir mentionné cet acteur que je ne connais absolument pas, il faudra que tu me dises dans quels films il a joué.<br /> @ Marie : et bien elle n'a qu'un tout petit rôle, c'est simplement un clin d'oeil qu'a voulu faire Woody Allen, et il n'y pas grand chose à en dire. Elle est plutôt juste, mais il est très difficile de juger sur si peu.
M
Pourquoi personne ne dit rien sur Carla ?
A
J'adore ta critique Marnie ! C'est exactement ça ;-) Une petite bulle dans laquelle Paris, son histoire, ses monuments et ses artistes sont célébrés...un Paris imaginé et imaginaire, loin de la réalité que nous vivons, nous, parisiens, mais tellement plaisante...j'ajoute juste une petite mention spéciale à Martial di Fonzo Bo, un de mes acteurs préférés découvert là avec plaisir, qui incarne Picasso... bises !
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